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Le blog de PEB
3 février 2023

Autobiography : autopsie d'une deception

2022-11-04 (9)

Reprenons le fil de notre vie Jogjakartanaise. La nature autour de chez moi est devenue resplendissante, en un an tout a poussé et Dimas est oblige d’élaguer et de couper pour laisser la place à la croissance des plantes. Le bassin du patio est couvert de feuilles de lotus et le matin de Lys d’eau. Les orchidées sont en fleur (saison oblige). Les Kupu-Kupu (arbres papillon à fleurs en forme d’orchidées) ont doublé de volume en un an. Et puis c’est d’un calme….

La saison des pluies est moins intense que l’année dernière. Beaucoup moins d’orages. Des pluies abondantes mais courtes en soirée et la nuit.

La semaine dernière, nous avons profité d’une projection du film documentaire « Pesantren », en ville, lors d’une tournée (une projection dans chaque ville), pour passer deux nuits dans l’hôtel qui accueillait le Festival du Film Documentaire auquel j’ai participe en tant que jury et qui m’avait fait fort bonne impression. En effet les chambres sont modernes et confortables, le personnel souriant et chaleureux, le petit-déjeuner parfait. Bref un bon hôtel. Nous en avons profité pour nous gaver de sashimis délicieux chez Sushi Tei.

Le week-end suivant, l’Institut Français de Jogjakarta accueillait un festival de films italiens et nous avons renouvelé notre expérience avec plaisir. Je me suis régalé des films de Francesca Archebugi ou de Paolo Taviani.

Poster_AutobiographyCette semaine, en revanche, grosse déception cinématographique. Le film phare du dernier JAFF (Festival du Film Asiatique de Jogjakarta), aux projections bondées et aux tickets impossibles à acheter, bref le film « hot » du moment : AUTOBIOGRAPHY. Il est sorti le 19 janvier. Et le 2 février il ne reste qu’une salle. Comme quoi le public n’est pas idiot….

Pourquoi une déception ? J’y allais avec beaucoup d’envie, celle de voir enfin un bon film indonésien. Certes c’est au-dessus du lot des navets qui se produisent dans ce pays, et pour moi cela reste un mystère qu’un pays de 300 millions d’habitants ne puisse produire que des navets dignes de télé novellas brésiliens ou mexicains.

Les points positifs tout d’abord. L’image est magnifique, léchée, bien éclairée, les angles choisis sobres et élégants, pas de mouvements inutiles de camera. Visuellement c’est une réussite et on se laisse embarque pendant la première demi-heure.

Deuxième point positif, le film est très sobre en dialogues et le jeu des acteurs est convaincant, ce qui reste une exception dans le paysage cinématographique Indonésien.

Là où le bas blesse sérieusement, c’est l’histoire et la façon de la raconter. Le film est sous-titré anglais donc j’ai tout compris).

Bon on comprend, qu’un jeune homme est devenu, prenant la suite de son père et de son grand-père, l’homme de confiance, le secrétaire, le valet d’un ex-général, élu Bupati (sorte gouverneur local), homme influent mais dur, qui règne en roitelet sur sa région. Pourtant le choix du comédien est astucieux, il montre un homme patelin, affable, qui aurait même tendance à avoir de la tendresse (une attirance homosexuelle inavouée pour ce garçon, le fils qu’il n’a pas eu ?) mais qui sait se montrer convaincant en public et autoritaire avec ses administrés. Un homme à double facette.

L’histoire nous raconte alors comment un projet hydro-électrique soutenu par ledit Bupati, rencontre des oppositions locales (évictions, annexions de terrains agricoles etc). Tensions sous-jacentes (à venir).

Le garçon est dévoué à son maitre et mentor, il lui sert aussi de chauffeur. Et c’est ainsi qu’ils vont visiter la prison locale ou le père du garçon est enferme (on devine que c’est pour un problème politique mais on n’en saura pas plus). On a du mal à s’attacher à ce garçon qui semble suivre comme un aimant son général-bupati-roitelet d’employeur. On a du mal à comprendre ses sentiments ou pensées. Pas d’empathie ni pour le garçon ni pour le général (ni pour les opposants au projet hydro-électrique). Le maitre habille son protégé d’un costume de sergent pour le soumettre à son autorité paternaliste. Le général montre même au garçon comment se servir d’un fusil qu’il garde chez lui, le garçon s’avère bon tireur. Pourquoi tirer sur des bouteilles vides ? Mystère. Et là le film dérape. On a compris que ce fusil allait servir à tuer le méchant, le vieux, l’autorité, le père. Mais n’est pas Eschyle qui veut.

2023-02-03

Des bouteilles de bière sont retrouvées près d’un panneau électoral vandalisé (ce qui choque le général dans un pays où le pouvoir est tout puissant, quasi divin), le général charge le jeune homme de retrouver qui a pu acheter ces bières et perpétrer ce crime de lèse-majesté. Au volant de son SUV noir Toyota Fortuner (la grosse voiture de cacique Indonésien), le garçon remonte la piste du possible saboteur (il a renversé le panneau, lacéré et jeté à la rivière, vous parlez d’un crime). Filature discrète : un gros SUV noir au milieu des chemins de campagne isolés, puis d’une carrière qui suit deux vélos rentrant de l’école. La planque est découverte. Grotesque. Le jeune homme fait pression sur le lycéen qui aide son père dans un petit garage de village, le force à le suivre chez le général. Confiant, innocent, collaborant, stupide oui ! Pas une once de doute ou de résistance.

Le lycéen, une fois chez le vieux, est interrogé à la façon des militaires indonésiens, laissé sur le carreau et transporté à l’hôpital discrètement (dans la voiture SUV du général). La sonorisation de la mosquée du village annonce la mort du jeune lycéen. Le garçon veut démissionner, le général l’enjoint de rester calme. Il tente de fuir mais les sbires du général le ramènent au bercail gentiment. C’est le protégé. Le général se doit, en tant qu’autorité locale de présider aux cérémonies de funérailles du lycéen assassiné, suivi de son fidèle protégé. Et il le fait avec beaucoup de dignité et d’hypocrisie.

2023-02-04 (4)

Le général continue sa vie politique avec ses réunions avec les potentats locaux sur lesquels on sent qu’il est tout puissant (police, administration etc). Après une réunion politique, ils se précipitent dans un karaoké (en Indonésie les karaokés sont synonymes de bordels) où le général, aviné, chante une chanson d’amour en se tournant discrètement vers son jeune protégé (il commence à nous dégouter et le héros encaisse). Le jeune homme décide alors de tuer son mentor, sort le fusil de sa cachette et affronte le général dans les bois et plantations de canne à sucre entourant la propriété. Le jeune homme, jamais soupçonné, présidera aux cérémonies militaires de funérailles du général (la femme, jamais vue dans le film, étant retenue à Jakarta). Fin.

Et tout cela en deux heures…C’est long, c’est ennuyeux. On ne s’attache à aucun personnage (on les connait à peine). On ne comprend pas les motivations, le changement soudain d’attitude du jeune homme vis-à-vis de son mentor, sa collaboration aveugle puis sa haine meurtrière (le passage à tabac d’un jeune homme ?), il ne voit pas, lui qui vit au quotidien avec ce potentat, à quel point il est dur avec son entourage, avec ses administres (rien ne le révolte alors) et que l’affection qu’il porte à cet assistant recouvre autre chose ? Mais tout cela n’est même pas évoqué (ou si peu). On n’y croit pas. L’auteur passe complètement à côté de son sujet (qui aurait pu être intéressant) et, du coup, fait un film qui tombe à plat, avec des rebondissements grotesques et des situations pas crédibles une seconde. Tous les sujets de société (abus de pouvoir des Bupati, corruption, projets industriels au détriment des communautés locales, les gangs des communautés rurales), tout cela est à peine ébauché mais jamais traité vraiment. En tous cas il ne se sert d’aucun de ces sujets pour en créer une trame dramatique forte (comme chez James Gray). Il ne dit rien de la société indonésienne, il reste d’une pudeur et d’une prudence très hypocrite.

2022-08-21 Bird in Kupu-kupu - Bauhania (10) - Copy

Certes le thème du drame cornélien (j’ai tué mon père spirituel) est un classique, encore faut-il en décrire les ressorts, les déclencheurs, les émotions, les hésitations, les déclencheurs. Il aurait mieux fait de relire les drames du théâtre antique grec. Ici rien, le vide sidéral de la réflexion. Pas d’empathie pour les personnages, leur caractère, leurs rapports (le père en prison aurait pu être mieux exploité), rien ou si peu sur le déclenchement de la révolte meurtrière du héros. Du coup les belles images n’empêchent pas le spectateur de s’ennuyer ferme.

Grosse déception.

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